RENTRÉE LITTÉRAIRE HIVER 2020

Nécessaire
Le grand succès de cet rentrée littéraire d'hiver 2020 est sans conteste le premier roman de Vanessa Springora. Qui n'a pas entendu parlé de ce témoignage absolument saisissant sur la pédophilie (appelons un chat un chat , j'ai horreur de lire le mot "emprise", c'est d'une hypocrisie !!) d'un célèbre écrivain : Gabriel Matzneff.
Et pourtant, malgré l'importance de cet ouvrage, dénoncer de tels faits même des années plus tard est primordial, j'ai eu un doute au moment d'entamer cet ouvrage. Pourquoi? Mais parce que justement j'en avais tellement entendu parlé, lu des articles, regarder des émissions que je me suis demandé si justement il y avait encore quelque chose à découvrir, même si ce terme n'est pas le plus approprié puisqu'il n'y a aucun suspense... Pour résumer ma pensée en une seule phrase : il y avait-il encore quelque chose à lire que je ne savais déjà?
Et bien oui. Doublement oui. Car je voudrais parler ici non pas de ce pédophile, dont tout le monde connait le nom maintenant et dont j'espère la justice se chargera, mais bien de l'ouvrage en lui même et de ce qu'il fait ressortir : les défaillances familiales et sociétales qui ont emmené tranquillement à ce qu'une mineure se fasse embarquer par un pédophile dans une pseudo histoire d'amour aux yeux de tous sans que personne n'intervienne. J'en reste encore sans voix.
Entre une adolescente, à la recherche d'une figure paternelle, une mère célibataire pourtant parfaitement au courant des agissements de ce pédocriminel mais qui laissera faire, et si on ajoute à tout cela, le corps médical, avec un gynéco qui ira jusqu'à faire une légère incision après que la jeune V lui ait fait part de son incapacité physique à avoir des rapports sexuels (pas de problème, Matzneff pratique la sodomie comme "les petits garçons", tout va bien, on est sauvé).
Je reste sans voix devant un constat accablant : le monde des adultes, de 1980 ou de 2020 peu importe, les époques sont de fausses excuses. Ce monde des adultes donc, n'a pas su, pas voulu, protéger cette enfant sur le seul prétexte que ce pédocriminel était connu et reconnu.
J'imagine que les gros dégueulasses comme lui ont encore de beaux jours devant eux. Jusqu'à ce que leurs victimes osent faire entendre leur voix et que la foule hypocrite se mette à crier au scandale.
Jeanne R.

Énorme énorme coup de cœur

 

Quel roman!! Mais quel roman !! Courez dans votre librairie, dans votre médiathèque, posez deux jours de congés et lisez le!!! 

Une magnifique saga irlandaise de 1945 à 2015. Le lecteur est invité à suivre la vie du petit Cyril Avery, fils d'une mère célibataire et rapidement adopté par un couple atypique, à la limite de la marginalité, qui lui précisa très rapidement et très souvent qu'il n'était pas un vrai Avery puisqu'il était adopté. Une enfance matériellement à l'aise mais avec de terribles carences affectives que le narrateur cache derrière une bonne dose d'humour et de désinvolture. Et puis un jour c'est la révélation : Cyril rencontre Julian, celui qui deviendra son meilleur ami mais surtout son plus gros fantasme car Cyril est homosexuel. Et dans une Irlande puritaine, il fera tout pour le cacher, allant même jusqu'à épouser une femme pour rentrer dans cette normalité imposée par la société. 

Plusieurs critiques ont fait le parallèle avec "Le monde selon Garp" de John Irving et c'est une juste comparaison, les situations burlesques, l'humour, la sensibilité naïve et pure du personnage principal y font en effet penser! Les points de vue de la mère, de l'enfant, de l'adolescent, de l'homme et du vieillard sont brillants et le narrateur évolue ainsi de manière extrêmement naturelle et spontanée.

Un roman qui aborde tellement de sujets : le traitement infligé aux filles mères dans un pays extrêmement croyant, l'adoption et ses limites, l'homosexualité bien sûr mais également le sida. Et bien sur l'amour inconditionnel d'une mère pour son fils, et ce hasard qui les mettra toujours sur le même chemin, le tout raconté sur une note toujours optimiste. 

Un livre qui se savoure. Quel bonheur!!

 

Jeanne R.


On adore!!

 

On ne se le cache pas, nous, Olivier Adam, on l'adore depuis de nombreuses années. Ce roman à la particularité d'être édité dans une collection "jeunes adultes". Et cela n'enlève rien à 

L'auteur se glisse dans la peau d'un adolescent, Antoine. Sa grande sœur Léa a disparue mais ça n'est pas le sujet du roman puisque dès le début on la retrouve et c'est là que l'histoire commence car Léa n'a pas fait une fugue elle a été enlevée, séquestrée et violentée pendant de long mois. 

 A nouveau au cœur de ce livre, le retour, l'absence, grands thèmes d'Olivier Adam notamment dans "je vais bien ne t'en fais pas". Dans ce roman la réapparition de Léa chamboule toute la famille car ce qu'on pourrait prendre pour la fin d'un cauchemar devient en réalité le début d'un long chemin de reconstruction aussi bien pour la jeune fille que pour les siens. 

Car Léa est blessée, brisée et Antoine va tenter de l'aider par sa présence, son écoute, son courage. 

 

On adore l'ambiance des romans d'O..Adam, Cette fois encore le magnifique décor de Saint Lunaire donne une âme au roman, on applaudit la relation complexe des parents qui ont peut être un peu trop utilisé la disparition de leur fille pour justifier les failles de leur couple. Un roman qui se dévore et par tout le monde, ados ou adultes! 

 

A lire et vite!

 

Jeanne R.


Une œuvre titanesque !! 

 

Ok j'avoue je n'avais jamais lu un seul roman de Paul Auster. Je pense avoir lu celui qu'il fallait! Quel roman! Absolument dingue. Les 4 destins possibles d'Archibald Ferguson, petit fils d'un immigré juif qui arriva à New York en 1900 et qui, devant le l'agent du service d'immigration prononçât une phrase mal comprise par ce dernier qui nota donc le nom de Ferguson sur ses papiers d'identité. 

L'histoire propose donc 4 destins pour son petit fils Archibald né en 1947. La construction du roman est très originale puisque chaque partie de la vie d'Archi est déclinée en 4 possibilités avant de passer à une autre partie. Ainsi, sur 7 grandes parties le roman se décline ainsi: 1.1, 1.2,1.3,1.4,1.5,1.6,1.7 etc 

J'avoue avoir failli lire le roman d'une autre manière (1.1 puis 2.1, ensuite 3.1 etc) de peur de perdre le fil de chaque histoire mais surtout ne pas faire cette erreur car c'est là tout l'intérêt du roman : passer d'un destin à l'autre en les laissant s'entremêler et se faire écho. 

Les changements de destins entraînent avec eux ceux des personnages secondaires rendant le roman passionnément complexe. 

Ainsi le lecteur débute avec un petit garçon fan de baseball qui grandit avec une mère possessive et un père anéanti par la trahison de ses frères qui dévalisent leur magasin d’électroménagers. On le suivre par la suite dans ses premiers ébats avec Amy, l'amoureuse qu'on retrouve dans chaque destin puis à Columbia après un grave accident qui le privera de deux doigts et mettra un terme à sa carrière sportive mais lui permettra d'échapper à la guerre au Vietnâm. 

Le deuxième destin sera plus bref, le papa d'Archi tient cette fois une salle de sport à Netwark et le petit garçon devient la bête noire de ses camardes de classe malgré son génie (il rédige et édite grâce à sa mère, un petit journal ). On découvre dans ce portrait le fameux camp de vacances "paradise" qu'on retrouvera dans d'autres destins, mais pour une courte durée. 

Le troisième destin aura un début tragique avec la mort du père d'Archi dans l'incendie criminel de son magasin. Le petit garçon s'installe à New York avec sa mère qui épousera par la suite Gilbert Schneiderman (le fils aîné de son ancien patron), lui même veuf. Dans le monde de cet Archi là, il devient un jeune homme aimant les femmes et les hommes et décide de ne pas intégrer une grande université américaine pour s'installer à Paris, suivre quelques cours mais surtout lire et écrire son roman. 

Le quatrième et dernier destin envoie Archie à Princeton, fait épouser sa mère par Dan Schneiderman (le frère de Gil) car ses parents divorcent et c'est le destin dans lequel Archi est le moins proche de son père (c'est le cas de le dire!). 

Même si à la fin du roman j'ai ressenti une pointe de déception : je m'attendais à une fin moins conventionnelle et beaucoup plus ouverte sur le champ des possibles, c'est tout de même un immense roman que Paul Auster a créé. 

 

Incroyable

 

Jeanne R.


Un beau coup de cœur
1950. Eliza se cache dans un hôtel miteux à Paris. Cette jeune américaine s'est enfuie de Chicago et a dû changé d'identité pour que son mari ne la retrouve pas. Elle laisse derrière elle son fils, une véritable déchirure pour elle. Elle va rapidement se lier d'amitié avec des personnages de divers milieux : prostitution, religieux, artistique ....Sa passion pour la photo va la guider dans une nouvelle vie à construire et sera toujours le lien avec son passé et même son futur. Car 20 ans plus tard Violet, de son vrai nom Eliza, revient à Chicago pour retrouver son fils...
Tandis que Paris se relève de la dernière guerre mondiale, Eliza raconte le racisme à Chicago, les ghettos, la condition féminine.
Gaëlle Nohant nous propose le destin hors du commun d'une femme qui va s’émanciper d'abord par survie, ensuite par nécessité, avant que sa passion, la photographie lui ouvre les portes du monde et lui permette de se révéler.
On s'attache rapidement au personnage d'Eliza alias Violet, chose qui n'est pas forcément évident pour une maman, car rappelons que ce personnage principal abandonne son fils pour s'enfuir en France. Mais au delà de cette décision contestable, Eliza est indéniablement attachante, qui retrouve, au fur et à mesure de sa nouvelle vie et de son récit, les valeurs que son père lui avait inculqué avant sa mort.
" La vérité, c’est qu’il y a dans nos vies des impasses dont on ne peut s’échapper qu’en détachant des morceaux de soi."
 
Jeanne R.